Il y a des films dont
il faut parler parce qu’ils stimulent une partie rarement sollicitée de notre
cerveau : les électrons libres, cette zone grise qui se fiche éperdument des
règles et n’accorde d’importance qu’à la sensibilité des choses. Des réalisateurs
comme David Lynch y arrivent parfois, notamment avec Mulholland Drive ou encore Bertrand Blier avec Merci la vie, mais les réussites dans ce domaine sont rares.
Désormais, il faut compter sur un nouveau classique du genre : Forbidden Room de Guy Maddin, tourné à
Montréal avec une distribution internationale mais dominée par des acteurs bien
de chez nous.
Raconter l’histoire
relève de la contorsion : D’une capsule explicative sur l’art de prendre
son bain, nous passons dans un sous-marin coincé au fond des mers où débarque
par hasard un coureur des bois venu raconter à l’équipage une histoire
extraordinaire. S’en suit alors un feu roulant d’intrigues sans queue ni tête,
allant d’une grotte mythique à un bar miteux de Marrakech en passant par le
bloc opératoire d’un savant fou jusqu’aux souvenirs d’un enfant à moustache,
une vingtaine de délires enchevêtrés nous sont ainsi livrés avec pour leitmotiv
la mise à mal des grands thèmes freudiens, le tout présenté à la manière des
vieux films perdus des années 20 et 30.
C’est l’humour, le
rythme et la musique qui tiennent ensemble ce bouquet de folles aventures qui
semblent imprégnées sur la pellicule surexposée d’une vieille bobine de films maudits. Les cinéphiles s’amuseront à comptabiliser
les clins d’œil au cinéma d’autrefois alors que défile sur l’écran un mélodrame
échevelé et multiple qui nous est raconté essentiellement avec des intertitres.
À cette montagne russe
d’expériences sensorielles se joint une distribution de calibre internationale
comprenant Charlotte Rampling, Geraldine Chaplin et Mathieu Amalric et qui donnent la
réplique à Roy Dupuis, Karine Vanasse et
Caroline Dhavernas. Nommer tous les acteurs connus qui font une apparition dans
Fordiden room tient de la prouesse.
Si les films
expérimentaux de ce type sont nombreux à jalonner nos écrans bon an mal an,
rares sont ceux qui parviennent à soutenir notre intérêt jusqu’à la fin. Guy Maddin et son équipe ne
perdent jamais de vue le coté absurde de leur entreprise et sollicitent en
permanence notre sens de l’humour. Même
si on ne rit jamais à gorge déployée, les cinéphiles pourvus d’une certaine
culture générale ne pourront que sourire tout au long de la projection tant les
références sont nombreuses et le traitement audacieux.
Une œuvre hors-norme
destinée aux curieux, certes, mais capable de ravir quiconque aime le cinéma.