mercredi 15 décembre 2010

BLACK SWAN


ATTENTION: Cette critique contient, non pas des arachides, mais des infos sur certains punch du film. Donc, si vous ne l'avez pas encore vu, cette critique pourrait nuire à votre plaisir. Nous préférons vous en avertir !

Darren Aronofski est un réalisateur audacieux: Pi, Requiem for a dream, The Fontain, The Wrestler, le gars aime les projets casse-gueules et surtout, il aime filmer les choses à sa manière, c'est-à-dire en privilégiant souvent une intimité dérangeante.


Disons-le d'entrée de jeu: la finale de Black Swan est un grand moment de cinéma. (Et non, je ne vous dévoilerai pas le punch!)



Résumons rapidement: Nina (Nathalie Portman hallicinante) est une danseuse douée mais introvertie, dominée par sa mère. Lorsqu'on monte "Le lac des Cygnes" de Tchaikovski, le metteur en scène (Vincent Cassel tordu à souhait) veut une danseuse qui soit capable d'interpréter aussi bien le White Swan (la douceur du papier toilette) que le Black Swan (l'érotisme brutal d'un kleenex sans nom). La timide et chaste Nina est parfaite pour incarner le cygne blanc mais son metteur en scène doute qu'elle puisse devenir le cygne noir...



Le dernier Aronofski est un film viscéral, très viscéral. Il nous fait ressentir les douleurs du personnage. On grinche des dents devant certaines séquences du film. Toutefois, la douleur physique n'est qu'un prélude aux vraies souffrances qu'endure Nina. Je parle ici de la folie rampante, l'obsession d'atteindre son objectif.



Mettre en image la maladie mentale, voilà le défi que s'est lancé Aranofski. Et il y parvient ! En partie, du moins...Quand on traite de psychologie, il est ardu de "montrer les choses" sans les nommer. À plus forte raison lorsqu'on désire ardemment que son film soit apprécié du grand public et non pas seulement par une poignée de cinéphiles. Pour réussir son pari, Aronofski a mis au point un langage visuel ultra efficace, mais répétitif et redondant.



Par ailleurs, une des meilleures avenues dramatique du film est malheureusement escamotée. Je parle ici de la relation pseudo-érotique de Nina avec une de ses rivales. (attention, c'est là que je dévoile un des punch ! Allergiques s'abstenir !) Le coeur du film (et la psychologie de Nina) se dévoile dans une longue séquence au deux-tiers du film où Nina est entrainée dans un bar branchée par une autre danseuse. Elles boivent, fument, se droguent, séduisent des hommes et finissent au lit les deux ensemble. Nina connaît son premier orgasme mais à son réveil, tard le lendemain matin, se rend compte que la fille a profiter de son absence pour prendre sa place. Bon ! L'idée est bonne ! On comprend vite que leur relation sexuelle ne fut qu'un "wet dream" pour Nina et qu'il s'agit en fait d'une dualité intérieure. Malheureusement, la scène est tellement explicite qu'elle dévoile trop vite et trop clairement toute la mécanique du film.



Il aurait été préférable que cette épisode en trois actes, au lieu de former une seule séquence, soit répartie sur tout le film. Car il manque à la psychologie de Nina cette élément crucial. Aronofski nous montre clairement la folie l'envahir, ses hallucinations et son obsession à devenir le cygne noir. Tous les "déclencheurs" nous sont présentés: sa mère dominatrice, le metteur en scène impitoyable, la rivalité, tout. Tout sauf la faille de Nina, ce trait de personnalité qui la tue progressivement et lui donne toute sa force en même temps. Cette faille dont la maladie mentale n'est que le symptôme. Cette faille magmatique qui réside dans sa sexualité, Aronofski a choisi de nous la montrer de façon métaphorique, à travers des scènes de masturbations interrompues et la séquence dont nous avons parlé plus haut.



S'il avait développé cette relation ambiguë plus tôt dans son récit, probable que la psychologie de Nina aurait gagner en substance. Il en reste néanmoins un film troublant, merveilleusement filmé dont la finale s'inscrira certainement dans les annales du cinéma.



3.5/5





2 commentaires:

  1. Le personnage interprété par Mila Kunis n'est qu'un personnage graitationnel dans la cosmogonie de Nina. Ce moment du film ne constitu qu'un seul acte et pour une bonne raison ----- c'est le moment ou Nina doit sortir d'elle-même et littéralement, sortir de chez elle. À ce moment du film elle se doit de suivre son instinct et par le fait même son double personnifier par Kunis. Pour réussir à devenir le black swan elle se doit de devenir une autre et de laisser libre cours à ses fantasmes et ses pulsions ---- Donc elle sort de chez elle (d,elle-même) elle se drogue (volonté de s'abandonner) elle danse dans un club (courage face au monde extérieur, le public) et retourne chez-elle (donc retour à l'intérieur d,elle-même). C'est à ce moment que ressurgit pour la première fois la création de son double (une autre personnalité) via le vecteur de sa libido enfin libéré dans une scène d,amour pour le double tant redouter précédemment. Tout cela se produit sans que Nina n'est véritablement conscience de son propre processus de transformation. À ce moment Nina devient en elle-m^me un personnage au même titre que les autre à l'intérieur de sa psyché. Voilà pourquoi cette scène ne pouvait, à mon sens, pas se diviser en trois actes. Tout nous est dit volontairement afin que nous aussi cession d,être intimement identifié avec Nina, du moins en partie, car à ce moment nous voyons les chose de point de vue plus extérieur (le point de vue du black swan naissant) afin de mieux nous faire vivre sa chute vers un héroique abandon.

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  2. Salut Nic,

    Merci pour ta critique. Le commentaire est pertinent mais il n'empêche que le procédé aurait été tout aussi valable et d'autant plus significatif si l'épisode avait été divisé. Je m'explique:

    Il y a, selon moi, une longueur évidente dans 2ième acte du film. Non pas qu'on s'ennuie mais la redondance des hallucinations devient pesante. Le film aurait gagné à offrir un autre niveau de lecture. Or, si la scène du bar nous avait été présenté à la fin du 1er acte. La relation sexuelle au milieu du 2ième acte et le dédoublement de personnalité (sa rivale qui veut la doubler), juste avant 3ième acte... tout les éléments-clés auraient été mis en place de la même façon pour nous offrir le climax final.

    En revanche, le 2ième acte aurait été beaucoup plus troublant, offrant un niveau de lecture alternatif aux scènes déjà existentes.


    Cela dit, l'amener en bloc, dans une seule séquence, a l'avantage d'en faire un pivot puissant. Par ailleurs, il semble évident que Aronofski avait peur de perdre son public. Il voulait que son récit soit clair afin que tous les spectateurs puissent apprécier la scène finale. Et bon ! Quelle finale !

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