dimanche 26 avril 2020

Tyler Rake

Bardé de scènes d'actions époustouflantes, le film réussi à maintenir le mince équilibre entre feux d'artifices et réalisme, du moins assez pour nous surprendre à quelques reprises et répondre à nos exigences. 


Le scénariste Joe Russo (sans son frère Anthony, ici producteur) ne fait pas dans la subtilité. Il sait néanmoins insuffler de l'émotion à ses histoires et force est d'admettre que la franchise Marvel a connu un rebond sous sa plume. Ici, il utilise la même formule. Tyler Rake est un mercenaire à la solde d'une organisation  à qui l'on demande de libérer le fils d'un trafiquant de drogue indien kidnappé par son rival. Durant l'exfiltration, un imprévu survient et notre héros devra prendre ses propres décisions.  

Nous ne sommes pas loin de l'univers Marvel avec ce soldat surentrainé, plus grand que nature, ses ennemis aux moyens illimités et ce crescendo d'actions au goût du jour. Le personnage de Tyler Rake, à mi-chemin entre Jason Bourne et Rambo, ne fait pas dans la dentelle et Chris Hemsworth parvient à nous le rendre crédible et attachant. Son passé trouble et les sacrifices qu'il est prêt à faire pour sauver l'enfant le place de facto dans la catégorie des héros, voire des super-héros. Fidèle à ses habitudes, Joe Russo ne ménage pas ses effets et distille tout au long du récit un sentimentalisme qui aura son moment de gloire, au grand plaisir du spectateur qui commençait à se lasser des embuscades en série. 

Il faut également souligner le travail de Sam Hargrave, chef cascadeur sur les films  Marvel, qui nous offre pour sa première réalisation des scènes d'actions à couper le souffle, très bien chorégraphiées  et parfaitement lisibles à l'écran, une qualité rare par les temps qui courent. Il exploite au maximum l'exotisme et le chaos de cette ville indienne surpeuplée où sévit une police corrompue armée jusqu'aux dents. Bref, il n'y a pas de temps morts dans ce récit mené tambour battant. Les mordus de Marvel ont droit à une sorte d'ersatz pseudo-réaliste, mais très satisfaisant,  en attendant le prochain opus de la franchise tandis que les fans de Chris Hemsworth seront heureux de retrouver l'acteur en pleine forme.  On aurait Thor (sic!) de bouder son plaisir. 




vendredi 24 avril 2020

The two popes

Relater les entretiens confidentiels de deux papes encore vivants était un pari ambitieux, tant au niveau de la forme que du contenu, seuls deux interprétations colossales et une mise en scène soignée pouvaient  sauver le projet d'un ennui mortel. Grâce au ciel, l'oeuvre n'est pas pavée que de bonnes intentions. 


Pour les tenants de l'Eglise, l'exercice relève presque du sacrilège tandis que pour le cinéphile lambda, habitué à des propositions plus formelles,  le trame n'a rien de franchement excitante. Bref, il fallait être un peu casse-cou pour s'attaquer à un sujet aussi revêche. De fait, le film ne transcende pas son sujet et s'adresse principalement à un public déjà conquis par sa thématique. Il y sera question du rôle de l'église, des difficultés qu'elle traverse et de l'héritage à transmettre.  Les deux papes ne sachant pas  s'ils peuvent se faire confiance au début, nous aurons droit à quelques discussions convenues dont l'intérêt réside dans la subtilité du jeu de ses interprètes. Chapeau à l'acteur anglais Jonathan Pryce qui s'expriment en espagnol une partie du film pour rendre son Bergoglio, futur Pape François, aussi crédible que possible. Quant à Anthony Hopkins, il s'en tire plutôt bien, comme toujours, sans parvenir à humaniser ce Benoit XV1 sombre et cérébral qui porte pourtant la quête du film sur ses épaules. 

Tiré d'une pièce de théâtre d'Anthony McCarten (Bohemian Rhapsody, Darkest Hours) le film raconte le passage du cardinal Argentin à Rome en 2012, venu remettre sa démission au pape qui la refuse, voyant en lui son successeur malgré leur divergence d'opinions. Le ressort dramatique repose sur la mentalité opposée des deux hommes, l'un latino, progressiste et chaleureux, l'autre germanique, froid et conservateur. La première partie du film est axée sur le choc des idées, chacun se gardant bien de révéler le fond de sa pensée. Peu à peu cependant, Bergolio devra s'expliquer. On ne met pas un terme à une brillante carrière sans raison.  Commence alors une série de flash-backs qui amènent certes une dimension cinématographique à l'ensemble, mais qui, en contre-partie, dilue le propos.

En effet, la tension du film repose sur un subtil jeu des confessions, celle qu'on veut entendre, sans s'y soumettre soi-même, chacun cherchant à se protéger tout en faisant preuve d'ouverture face à l'autre. Cette conjuration mutuelle aurait pu toucher au sublime si les confidences n'avaient pas été interrompues par d'incessants retours en arrière. En voulant éviter le théâtre filmé, l'oeuvre perd en intensité.  Nos retrouvons alors nos protagonistes perclus de silence à défaut de se livrer à de véritables aveux. Reste que la délicatesse du sujet,  la réalisation somptueuse de Fernando Meirelles (La Cité de Dieu, The constant gardener)  et la qualité des interprétations valent le détour. 






The Highwaymen

D'un classicisme assumé, ce western crépusculaire nous offre une virée à travers l'Amérique des années 30, sur la piste de Bonnie et Clyde, et pose en chemin un regard doux-amer sur les mythes fondateurs de cette terre promise ravagée par la crise avec en têtes d'affiches deux acteurs qui ont la gueule de l'emploi.


Il y a des films auxquels on ne demande pas d'être original, mais de nous conforter dans nos attentes, comme une bonne vieille recette maison dont on espère seulement qu'elle soit réussie. C'est le cas de The Highwaymen qui ne révolutionne rien, mais possède tous les ingrédients d'un bon petit film à regarder chez soi. Il faut dire que Coster et Harrelson en rehaussent la saveur. La chimie entre les deux acteurs fonctionne à merveille et leur charisme respectif pèse lourd dans la balance. Ils incarnent deux anciens Texas Rangers à qui l'on demande de reprendre du service pour traquer Bonnie & Clyde qui sèment l'émoi et les cadavres sur leur passage. 

Dès l'apparition de Frank Hamer incarné par Kevin Costner, on pense tout de suite à Unforgiven de Clint Eastwood: un vieux cowboy à la retraite, ayant plusieurs morts sur la conscience,   mais à qui la vie a offert une seconde chance grâce à l'amour d'une femme (Kim Dickens), est appelé à reprendre les armes. La coïncidence n'est pas fortuite et Costner, le visage buriné par l'âge, chausse sans peine les bottes de cette figure mythique, taciturne et amer jusqu'à la toute fin. À ses côtés, Woody Harrelson déploie son immense talent en jouant les acolytes pince-sans-rire qui cache lui aussi sa part d'ombre. 

Ce n'est pas à cheval mais dans une vieille Ford que les deux complices vont parcourir le pays pour débusquer les célèbres fugitifs. Le film s'amuse à dépeindre nos limiers comme des anachronismes issues d'une autre époque, peu confortables avec la technologie des années 30 qui elle-même paraît désuète aux yeux du spectateur. À ce chapitre Woody Harrelson fait mouche avec humour décalé et son regard ahuri tandis que Kevin Coster, en bougon réfractaire au changement, tient le rôle straight man impassible. Cela étant dit, il ne faudrait pas y voir non plus un scénario plein d'esprit. Les répliques fonctionnent grâce au talent des acteurs alors que l'histoire évolue sans surprise vers sa fin inéluctable. 

Le réalisateur John Lee Hancock (The founder) roule sur du velours avec cette proposition old fashion, sa seule ambition du film étant de dépeindre une époque trouble, celle de la Grande Dépression, avec ses campements de chômeurs, son ambiance glauque, ce vent de modernité qui n'apporte rien de bon et surtout, cette fascination collective pour les crimes de Bonnie Parker et Clyde Barrow qui incarnent à eux deux le dégoût de la plèbe pour establishment. Choix intéressant, le film fait le pari de ne pas nous les montrer, ou très peu, de sorte qu'à l'instar de leurs poursuivants, on sent que ce n'est plus deux criminels mais une légende qu'ils devront affronter. Au final, on aura droit à un road movie sur des routes de terre battue, de solides interprètes, quelques fusillades et une dose de nostalgie. À tout prendre, ce n'est pas si mal.





  
  


jeudi 23 avril 2020

Diamant brut

Plongeon vertigineux dans la psyché d'un joueur compulsif, Uncut gems s'offre le luxe de dresser le portrait d'un personnage complexe, à la fois sombre et lumineux. Il en résulte une surenchère de rebondissements inattendus qui rendent cette histoire profondément attachante. Un vrai bijou.


Il est possible d'être déconcerté au début du film par ce contre-emploi d'Adam Sandler. Si l'acteur comique a l'habitude des personnages arrogants et immatures, on ne saurait ranger son Howard Ratner dans l'une ou l'autre de ces catégories. Tout à la fois menteur, fourbe et excessif, Ratner n'est pas un sale type pour autant. C'est un homme sous pression qui gravite dans son propre monde, celui d'une riche  communauté juive new-yorkaise où les liens sont importants, peu importe les circonstances.  


C'est justement dans ses interactions que Uncut gems se démarque. Alors que notre protagoniste s'enfonce, qu'il doit de l'argent et multiplie les coups foireux pour s'en sortir, nous sommes étonnés par la réaction de son entourage. Le non-dit prend une place prépondérante dans cette descente aux enfers qui défie les lois du genre. Sans jamais tomber dans les dialogues explicatifs, on comprend la nature complexe des liens qu'entretient Howard avec tous et chacun. Les sentiments et ressentiment sous-jacents sont tissés en filigrane et s'expriment avec mélange détonnant de passions et de retenues, comme dans la vraie vie.  

Les personnages secondaires défilent et enrichissent la densité psychologique de ce joallier endetté qui tente de tenir ses promesses et espère que les autres en feront autant. Que ce soit sa relation avec sa femme, sa fille, ou même ses clients, on comprend que ce pauvre bougre a ramé toute sa vie. Sa compulsion est vécue avec une désinvolture et un désespoir auquel on ne reste pas indifférent. Visuellement, le film de Benny et Josh Safdie (Good Time) se veut un suspense haletant et nerveux où la fuite en avant du personnage nous est  présentée par l'entremise de scènes échevelées, de plus en plus violentes, à l'image de cet existence qui croule sous le dictat de la pensée magique. 

Les rapports humains sont au coeur de cette histoire qui construit, petit à petit, un univers sensible malgré les décisions erratiques de son protagoniste. À coups de scènes brusques et parfois grossières, tel un diamant brut, le film s'efforce de comprendre les motivations de cet homme qui se noie dans ses propres illusions alors que la réalité lui lance sans cesse des bouées de sauvetage. Le suspense n'en est que plus insoutenable. 










mercredi 22 avril 2020

Jusqu'au déclin



Premier long-métrage québécois produit par Netflix, ce suspense à glacer-le-sang se démarque de la production locale, notamment en s'appropriant le territoire et son imaginaire nordique, s'inscrivant du même coup dans la grande tradition hollywoodienne.



Rarement voit-on l'hiver dans nos films, sinon en arrière-plan, entre deux scènes intérieures. C'est à la fois trop coûteux et trop difficile de tourner dans ces conditions. Or, c'est le défi que relève avec brio cet hybride cinématographique qui, sans excéder le budget habituel (5 millions) s'offre une chasse à l'homme épique en exploitant au maximum le paysage hivernal de nos forêts boréales. Quand une bande de survivalistes amateurs s'inscrivent à une formation organisée par un youtubeur passé maître dans l'art de prévoir la fin du monde, ils s'imaginent passer un bon moment, apprendre quelques trucs et manier des gros calibres en toute impunité. C'était le projet au départ, jusqu'à ce qu'un évènement funeste chamboule leur plan. Commence alors une descente aux enfers dans un décor sauvage tout de blanc vêtu.

Il est rafraîchissant de voir le cinéma québécois s'inscrire dans un genre aussi musclé. On pense aux classiques du genre: Survivance, The Revenant, mais aussi inévitablement  à Rambo et Predator.   C'est là d'ailleurs que réside la principale faiblesse de ce premier long-métrage réalisé par Patrice Laliberté. Visuellement impeccable, le film glisse rapidement dans les conventions du genre, privilégiant les effets gores et oubliant de donner une dimension humaine à ses personnages. Engager  dans une course contre la mort, leur motivation se résume à survivre, faisant d'eux des victimes à numéros comme dans un Vendredi 13 de luxe. Seul Réal Bossé tire son épingle du jeu en composant un personnage plus nuancé qu'il ne le semblait à première vue. 

Malgré tout, on ne peut que saluer cet effort de vouloir sortir le cinéma québécois de ses ornières. La mise en scène de Patrice Laliberté offre de belles trouvailles et sa facture réaliste rehausse la qualité de l'oeuvre. Notre territoire et ses richesse naturelles méritent d'être exploités par nos créateurs.