Au départ, Whiplash
n’avait rien pour me plaire : le jazz, la torture psychologique, une toune
qu’on répète encore en encore…j’avais autant envie de voir ce film que de me
coincer le doigt dans une porte. Et puis, un ami m’a convaincu de lui
donner sa chance. Dès les premières minutes, j’ai compris que le duel d’acteurs
serait exceptionnel. Au final, j’ai été bouleversé. Plus qu’un film, c’est une
expérience. Je suis sorti de la salle
avec l’impression d’avoir compris l’âme du jazz et peut-être celle de l’art en
général. N’importe quel artiste trouvera dans Whiplash matière à réflexions.
L’idée de base est toute
simple : un professeur de musique tyrannique pousse un joueur de batterie
à se dépasser lui-même au risque de le mener au bord de la folie. Point. Ce n’est que ça et pourtant, croyez-moi, toutes
les qualités d’une grande œuvre y sont réunies. La relation qui s’installe
entre le professeur et son élève n’est rien d’autre qu’une métaphore des défis
qu’impose la vie à chacun de nous. Le mentor alterne sans cesse la séduction et
la colère, le charme et la déception, la compassion et le mépris pour arriver à
ses fins. Il pousse son élève aussi loin que possible sans se soucier de l’éthique, des normes ou des conventions, tous deux engagés dans une quête absolue et
effrénée de perfection.
J.K. Simmons mérite à
coup sûr une nomination pour sa performance, lui qu’on connait surtout pour ses
rôles comiques prouvent ici qu’il est un acteur complet et surtout
charismatique. Malgré toutes les bassesses auxquelles il se livre, on n’arrive
jamais à le détester complètement. Il y a toujours dans son regard un
dévouement sincère, une lueur d’espoir qui contraste avec ses paroles, ses
cris, ses insultes. En toutes circonstances, il agit par amour de la musique. Miles Teller est également très bon dans le rôle de l’élève
qui se retranche dans les méandres du désespoir. Si son jeu est moins nuancé que
celui du professeur, il porte tout de même le film sur ses épaules.
Il serait mal venu de
passer sous silence la mise en scène de Damien Chazelle. Son talent est
manifeste, voilà un réalisateur qui s’est donné comme défi de filmer la musique.
Rien de moins ! Que ce soit la relation du musicien avec son instrument ou
celle du chef avec son orchestre, sa caméra demeure sensible, à l’affût de la
moindre vibration. Son montage se lit comme une partition, cherchant à capter à
la fois le tempo et l’effort pour y parvenir. J’ajouterais que d’avoir choisi
d’écrire un scénario épuré, sans artifice narratif, tendu vers un seul but,
prouve à quel point Chazelle maîtrise son sujet.
Voilà un film qui essaye de saisir quelque chose
d’universelle, une définition de l’art que seule l’union du son et de l’image
pouvait rendre aussi bien. On n’en sort la tête pleine de rythmes mais aussi
gavé d’une réflexion qui dépasse de loin le cadre de la musique.
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