Raconter un voyage
initiatique n’est pas chose facile. Ne transmet pas la sagesse qui veut. Tout
réside dans la transformation intérieure du personnage. Sa prise de conscience
se doit d’être à la fois troublante et significative, sans quoi l’histoire nous
paraîtra banale et moralisatrice. Jean-Marc Vallée évite ce piège en
contournant le problème. Ce n’est pas la transformation intérieure du personnage qui nous
intéresse ici mais les raisons qui l’ont poussé à entreprendre ce voyage. Il en
résulte un film beau visuellement, bien mené mais trop simple et trop convenu
pour être vraiment touchant.
Il serait difficile faire un résumé sans révéler des éléments cruciaux. Disons simplement que c’est
l’histoire vécue de Cheryl Strayed, une jeune femme qui entreprend de parcourir
1600 km à pied sur la Pacific coast trail afin de reconstruire son estime de
soi et trouver un sens à sa vie. De fréquents flashbacks nous font découvrir ce
que fut son existence jusque là. En chemin, elle croise toute une galerie de personnages tantôt inquiétants tantôt révélateurs de son propre cheminement.
Reese Wintherspoon vient
de tourner coup sur coup deux films réalisés par des québécois. On peut
comprendre ce qui l’a intéressé dans ce projet. Le précédent film de Jean-Marc Vallée
a permis à Matthew McConaughey de
remporter un oscar l’année dernière et peut-être voyait-elle dans ce scénario
épuré l’occasion d’être nominée elle-même. Il va sans dire qu’elle porte le
film sur ses épaules et sans maquillage, l’aventure s’annonçait pour le moins
audacieuse. Malheureusement la découverte progressive du passé douloureux de
son personnage n’est pas assez originale pour nous déstabiliser. On devine assez facilement la suite des événements.
Quant au périple en tant que tel, il lui manque ce revirement inattendu qui
donnerait une signification à l’ensemble. Les
obstacles sont pourtant nombreux sur le parcours de Cheryl Strayed mais ils
sont traités comme des anecdotes, sur un même pied d’égalité.
Tout cela m’amène à
parler du traitement, donc de la mise en scène de Jean-Marc Vallée. En
parsemant son récit de flashbacks, le réalisateur déplace le sujet de son film.
Le personnage de la mère prend une telle importance qu’on regrette presque qu’elle
soit reléguée au second plan. Dans le
rôle, Laura Dern livre une performance remarquable. D’ailleurs, c’est la mère
et non la fille qui vit une transformation intérieure et du coup, on se demande
qu’est-ce que Cheryl cherche à comprendre qu’elle ne sait pas déjà car, chronologiquement,
l’histoire de sa mère se déroule
plusieurs années auparavant. Vous me direz qu’il ne suffit pas de savoir
quelque chose, encore faut-il l’intérioriser. C’est vrai, mais cet aspect du
problème n’est pas vraiment développé dans le film, bien qu’il en soit la
conclusion. Les créateurs ont dû croire qu’en dévoilant progressivement le
passé du personnage, sa quête prendrait un sens aux yeux du spectateur. Cette
approche fonctionne à moitié dans la mesure où il n’y pas de lien véritable
entre le passé et le présent, sinon que Cheryl s’impose toutes ces souffrances
pour expier ses péchés d’autrefois. Jean-Marc Vallée aurait eu avantage à
recourir à une rupture de ton pour donner à l’une des étapes du voyage une conation
particulière, transcendante si je puis dire.
Au final, Wild vaut surtout
pour la beauté des paysages, l’habile résurgence des souvenirs durant le
parcours, le jeu de Laura Dern et dans une moindre mesure celui
de Reese Wintherspoon. En sommes, Wild est un beau film à défaut d’être un bon
film.
***
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