jeudi 5 février 2015

Tireur d'élite américain

Il y a quelque chose de dérangeant dans Amercan Spiner. Pour être un bon film, c'est un bon film, divertissant et bien mené. J'en éprouve pas moins un malaise en y repensant.  Du début jusqu'à la fin, nous assistons à la déification de Chris Kyle, présenté ici comme un héros américain, un modèle de courage et de détermination. Peut-être ma gêne provient-elle de cette guerre qui, à mon sens, doit être critiquée, mais rarement ai-je vu un film qui dépeint les irakiens avec si peu de nuances, tous vus comme des fanatiques qui méritent de mourir.

Dès l'ouverture où l'on voit une mère encourager son enfant à jeter une grenade sur des soldats en patrouille jusqu'au génétique montrant des milliers d'américains rendre hommage à Chris Kyle, le film de Clint Eastwood n'émet aucune réserve, ni sur la pertinence de cette guerre ni sur les sacrifices nécessaires pour la gagner. Le film aborde deux thèmes: la guerre et les chocs post-traumatiques. Le premier est mené de main de maître, dans le pur style hollywoodien, avec impacts de balles, explosions et morceaux de bravoure tandis que le second thème bénéficie d'un traitement fade et agaçant, comme si les problèmes de santé du héros étaient un caillou dans la chaussure du réalisateur.

Chris Kyle ayant effectué 5 missions en Irak, le film alterne scènes de combats et scènes familiales.  Le problème, c'est que les scènes de famille sont redondantes. Sa femme s'inquiète, pleurniche, supplie son mari de rester alors que Kyle (et nous-mêmes) ne pense qu'à y retourner.  Il a tous les symptômes d'un soldat traumatisé mais il s'en fiche (et nous aussi). Ce qu'on veut, c'est le voir prendre son fusil et tirer sur des irakiens, de loin les meilleures scènes du films, les mieux filmées et les plus spectaculaires.

Il est vrai que le scénario se base sur l'autobiographie de Chris Kyle qui, bien sûr, ignorait qu'il serait un jour tué par un ancien soldat traumatisé (ceci n'est pas un punch, rassurez-vous). L'intrigue repose en fait sur la rivalité entre Kyle et un sniper ennemi, tous deux des tireurs d'élite qui déciment les soldats du camp adverse. Là encore, le traitement hollywoodien fait mouche. Le méchant est clairement identifié et la quête du personnage principal (abattre ce salaud) justifie qu'il abandonne sa famille cinq fois de suite. Si le thème de la santé mentale n'était pas abordé si souvent, j'aurais pris mon pied sans me poser de question. Après tout, le manichéisme au cinéma n'est pas un phénomène nouveau et tous bons cinéphiles s'en accommodent fort bien. Mais voilà. Ce n'est pas Rambo qu'on regarde, ni Jason Bourne. C'est l'histoire vécue d'un type qui a abattu plus de 120 personnes et qui a consacré les dernières années de sa vie à aider les soldats traumatisés parce que lui-même n'arrivait pas à décrocher. Tout cela est mentionné dans le film, expliqué en détails par des personnages secondaires, mais jamais cet aspect ne fait l'objet d'un enjeu dramatique. Mêmes les circonstances qui entourent sa mort nous sont livrées en inter-titres sur fond noir à la fin du film.   

L'intention du réalisateur était de faire un film d'action basé sur des faits réels. C'est un choix qui se défend. Je n'ai pas lu l'autobiographie de Chris Kyle. J'ignore comment il percevait le conflit en Irak ou ses problèmes personnels. Ces derniers occupaient, à coup sûr, une place importante dans son esprit. Que Clint Eatwood n'ait pas voulu faire drame psychologique, je le comprend.  C'est à Bradley Cooper que revient la tâche de nous faire ressentir ses états d'âme. Il y parvient admirablement.  Sienna Miller joue sa femme, un personnage relégué au second plan. Elle est bonne sans être attachante et je pense que c'est exactement que le réalisateur attendait d'elle. Pour bon nombre d'américains, grâce à ce film, Chris Kyle va devenir un héros. Pour les autres, Tireurs d'élite américain apparaîtra comme un retour aux sources dans la filmographie de Clint Eastwood, une sorte d'hommage aux valeurs que défendait l'inspecteur Harry



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