lundi 21 août 2023

 Joho Rabbit, Taika Waititi, 2019


Résumé

Durant la 2e Guerre Mondiale, un jeune Allemand de 10 ans, nazi convaincu ayant Hitler comme ami imaginaire, est bouleversé d’apprendre que sa mère cache une juive dans leur maison. 




Critique

Entre deux Thor, Taika Waititi a poussé sa luck en adaptant le roman casse-gueule de Christine Neunens : Le ciel en cage, une farce décalée sur la deuxième guerre mondiale mettant en scène des enfants. Difficile de ne pas grincer des dents devant ces discours nazis, joliment détournés pour déclencher le rire sous une forme cartoonesque de bon aloi. Bien sûr, il s’agit d’une dénonciation en règle et l’humour ne nous épargne pas les horreurs de la guerre comme Roberto Benigni l’avait fait (en mieux) en 1997 avec La vie est belle. 




Dans les premières minutes, on voudrait crier au génie tellement l’humour atteint sa cible. Les scènes au camp de vacances des jeunesses hitlériennes sont tordantes, sauf que le rire vire lentement au sourire puis au rictus figé. Ce n’est pas que le film s’essouffle, l’inventivité demeure présente,  c’est juste qu’une fois la surprise passée l’humour devient cérébral, voire carrément puéril par moment. Le film reste beau visuellement, mais perd sa charge émotive au profit d’une démonstration de talent, le tout facilité par un budget confortable. L’ombre de Marvel plane d’ailleurs sur cette production où plusieurs noms associés à la franchise participent à l’aventure.  On sent la grosse machine derrière, ce qui contribue au malaise.




Ce n’est pas la première fois qu’un film nous montre un drame à travers les yeux d’un enfant, c’est un procédé délicat qui ne consiste pas seulement à jouer sur la naïveté. C’est un passage obligé vers l’âge adulte. Roberto Benigni en avait fait bon usage dans La vie est belle. D’une part, cela ne durait qu’un seul acte, le dernier, une finale qui mélangeait habilement rire et larmes. Dans Jojo, point de tristesse, même la mort d’un proche, filmé avec dignité certes, n’empêche pas la bouffonnerie de continuer, à peine éveille-t-elle une prise de conscience chez l’enfant. Il y a dans Jojo Rabbit un manque de délicatesse qui finit par agacer.  




Une partie de moi a adoré l’expérience, mais une autre avait hâte d’en finir. Contrairement au Grand Budapest Hotel de Wes Anderson dont il est le cousin germain, Jojo Rabbit évoque des évènements trop sombres pour revendiquer sa place au soleil, à classer parmi des oeuvres telles que Happiness de Todd Solondz, où le rire vient d’un malaise qu’on ne veut pas ressentir trop souvent. Nul doute que le film de Waititi inspire aux spectateurs une réflexion obligée sur la nature du rire : ce qui est drôle et ce qui ne l’est pas. Malheureusement pour lui, la réponse ne joue pas en sa faveur. Ça demeure un film à voir. 

3/5





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